MOSCOU

Aujourd’hui j’ai réservé mon ticket de train. J’ai reçu la confirmation par mail avec pour consigne d’imprimer le billet. « From Moskva Yaroslavskaya 12.10 to Irkoutsk 16.10 train n°20 departure 23h45 coach 01K seat 14 ». Tout est clair. Le sablier est en marche. L’inéluctable va se produire. Ce soir je quitte Moscou.

La gare se situe au nord-est de Moscou, à 5.5 kilomètres de mon auberge. Je partirai entre 21h et 22h, prendrai la ligne 1 du métro puis la ligne 4. Ainsi, j’aurai le temps d’acheter quelques bricoles avant d’embarquer pour un trajet long de 4 jours.

Seulement jusqu'au dernier moment on a bien tenté de me retenir, de m'en dissuader même.

Le groupe d'étudiants d'abord avec qui je trainais par ci par là : un tunisien, un algérien et un égyptien dans l'enfer du jeu. Un beau mélange. "Viens avec nous à Saransk...Tu habiteras avec nous dans notre appartement... On te fera un visa gratuit" ;

La russe francophone, voisine de chambre, dans un café pendant sa pause : "Pourquoi ne prends-tu pas l'avion ? Tu ne connais pas les trains russes... Ça va être très long, tu es fou... Tiens prends ces nouilles... On se revoit bientôt";

Une canadienne au physique attrayant et la voix envoûtante sorti tout droit d’un Disney rencontrée dans la cuisine "J'ai grandi en Corée du Sud puis habité à Phuket et en France" Elle en avait des histoires marrantes à raconter sur le pays de Voltaire. "Je suis passionné par la France. J'aimerais vraiment y retourner. C'est un pays tellement intéressant... Hier j’ai raté mon vol ! je n’sais pas j’vais peut-être aller en Turquie demain mais je n’ai encore rien réservé. » Comme je la comprenais. « Mais pourquoi la Russie ?" ;

Le russe sympatico-raciste, fascinant personnage, dans le couloir "Tiens je te cherchais le français. J'ai besoin de toi. Viens par là. Assieds-toi. J'ai fait à manger. Prends cette assiette" Il me verse un grand verre de jus de tomate. La canadienne rigole. "Je recherche une chanson française. Mon ex-femme en était fan. C'était une belle période tu sais. J'étais fou d'elle. Mais si rappelle moi le titre... Ça faisait..." Il se mis à « chantonner ». "Ce n'est pas parce qu'il est français qu'il connaît toutes les chansons françaises." Je l'aimais bien la canadienne. Ah si je n’avais rien réservé ! Ah si je l’avais rencontré plutôt celle-ci ! J’avais mon reflet dans ses yeux et il était bleu et profond. « Pourquoi tu pars ? Tu peux annuler ton billet… ». Qu’elle me répétait. C'était "Femme like you" de kamaro. Il mit la chanson sur son pc devant l'assemblée russe circonspecte ;

Ajouté la nuit blanche de la veille et ça devait être à cause de tout cela sous doute que je n'ai pas eu le temps d'imprimer mon billet de train, de télécharger ce qu'il faut en séries, ?lms et musique, d'acheter ce qu'il faut de nourriture, de prendre ce qu'il faut en thé, de charger mon téléphone, de me tromper de foutu gare (Il existe 3 gares différentes au même endroit) que je suis arrivé en retard, trempé et épuisé devant le chef de voiture. « Ticket please ». "Frantsuzkiy" que je criai. Et je montais. Il était 23h40.